20/11/2018 | La parole à Clotilde Gilbert, Directrice du Wake up Café
Wake Up Café (WKF) et Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL) ont choisi d’unir leurs forces pour l’accompagnement des personnes détenues vers une réinsertion durable. Clotilde Gilbert nous en dit plus sur ses missions et les atouts de ce partenariat.
Pourquoi avoir créé le Wake Up Café ?
Quand j’étais aumônier de prison, j’ai pris conscience de deux conséquences de la détention.
D’une part, l’enfermement fragilise la personne, l’estime d’elle-même et sa capacité à nouer des relations. D’autre part, ces personnes que je rencontrais, sortiraient un jour de prison et devraient se réinsérer. Pourtant, malgré leurs talents et tout ce potentiel qui était en elles, et que je découvrais à mesure que je partageais du temps avec elles, j’ai constaté que la société n’était pas prête à les accueillir.
C’est pourquoi j’ai décidé de créer une structure pour accompagner les personnes incarcérées dès leur détention puis à leur sortie afin de leur permettre une réinsertion durable, sans récidive. Chacun et chacune d’eux peut s’appuyer sur une communauté engagée et bienveillante de membres de l’association, des salariés et des bénévoles, de responsables d’entreprises, d’institutions publiques ET de personnes elles-mêmes sortant de prison.
Quels types d’accompagnement mettez-vous en œuvre avec les personnes sorties de prison ?
Le parcours de réinsertion Wake up Café s’appuie donc à la fois sur l’entrée dans une communauté d’anciens détenus, les wakers, ayant partagé l’expérience de la prison et sur un double accompagnement individuel, permettant de s’adapter à chacun et collectif. Chaque waker est d’abord rencontré en détention par un chargé d’insertion en lien avec le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP). Cet entretien permet de mesurer si la personne répond aux trois critères pour réussir le parcours de réinsertion WKF :
1. l’envie de s’en sortir ;
2. L’envie d’aider les autres à s’en sortir ;
3. La capacité d’entrer dans une relation simple et de confiance réciproque.
Après cette première rencontre, la personne devient « un waker », accompagné par Wake up Café.
La suite de l’accompagnement en détention par le chargé d’insertion est tournée vers la préparation de la sortie en collaboration avec le CPIP : aménagement de peine, permission employeur, principalement.
A la sortie, chaque personne est accueillie par son chargé d’insertion qui définit les éléments clés de son parcours individuel sur mesure :
– quelles sont ses envies (projet de vie, projet professionnel,) ?
– quels sont ses besoins concrets (logement, emploi, santé, activités) ?
– quelles sont ses priorités ?
Puis chaque personne rencontre la directrice de l’association. Mon rôle est alors de les accueillir dans la communauté, d’apprendre à les connaître, leur redonner le sens de leur engagement de waker et les règles de vie.
En plus de ce suivi individuel, qui s’appuie sur l’action des salariés, des bénévoles (pour des temps de coaching, les démarches administratives, la recherche d’emploi, la préparation des entretiens) et de nos partenaires (entreprises, associations, institutions publiques) chaque waker participe à deux accompagnements de groupe par mois. Ce sont les ciments de la communauté WKF. Un diner pour fêter les bonnes nouvelles avec toutes les personnes engagés avec WKF, c’est le Wake up Diner. Un groupe de parole pour trouver entre personnes sortant de prison des modèles et des solutions pour s’en sortir : le Wake up Planète.
En plus de ces deux accompagnements de groupe qui définissent l’appartenance à la communauté, les wakers sont invités à participer à des activités en groupe dans les locaux animés par des professionnels ou des bénévoles tous les après-midis. Ils peuvent aussi participer à des événements pour retisser des liens, participer à des actions bénévoles (actions sociales, sportives, culturelles, artistiques)…
En quoi la question du logement est-elle particulièrement sensible pour les personnes sorties de prison ?
Le logement est essentiel pour se reconstruire. Pouvoir dire : « c’est chez moi ! » c’est d’abord pouvoir être reconnu par la société : habitant de telle ville, de tel lieu. Et c’est aussi savoir qu’il existe un endroit pour se retrouver, se reposer, travailler, inviter des amis, trouver sa place, vivre comme on l’entend.
Pour les personnes sortant de prison, la problématique du logement est renforcée par l’incarcération. Le désir d’avoir un endroit à soi est exacerbé par ces mois voire ces années, où l’on ne s’est jamais senti « chez soi » ! Mais l’isolement et le « trou dans le CV » rendent très difficile l’accès au logement.
Enfin, quand le détenu sort de prison, il fait face à ce qu’on peut appeler : le mur des difficultés. Tout est à reconstruire, à relancer : documents administratifs, recherche d’un emploi, d’un logement, santé déficiente, liens sociaux. Et ces actions sont à mener rapidement car l’envie de changer de chemin est fragilisée par les difficultés qui s’accumulent.
C’est pourquoi la possibilité d’obtenir un logement, même temporaire, est essentielle à une réinsertion durable, sans récidive.
En quoi l’action de SNL est-elle complémentaire de celle menée par le WKF ?
Toutes les bonnes volontés, qui agissent dans le non-jugement et la bienveillance, avec un regard positif et enthousiaste tourné vers l’avenir sont utiles pour compléter l’accompagnement de Wake up Café.
Quand, en plus, ces bonnes volontés s’engagent pour trouver des solutions concrètes au mal-logement, difficulté majeure pour les personnes sortant de prison, elles deviennent une des clés principales d’e la réussite possible de la réinsertion des wakers.
Pour finir, Wake up Café cherche à accompagner chaque personne là où elle en est, à partir de ses besoins et de ses envies. Et nous ne revendiquons bien évidemment pas d’être compétents dans tous les domaines. C’est pourquoi, s’appuyer sur l’action de SNL et son expertise en matière d’accompagnement vers le logement est si précieux pour nous.